REPORTAGE : Quand une marche contre la dictature est dispersée dictatorialement par la PNH
Nous sommes le 10 février 2021, trois jours après la date marquant, selon l’opposition politique et plusieurs structures de la société civile dont la FBH, la fin du mandat constitutionnel du président Jovenel Moïse. Le rendez-vous était fixé à 8 heures 30 AM devant la faculté d’ethnologie pour un mouvement populaire contre la dictature mais les premiers signes de rassemblement ont commencé aux environs 9 heures AM où une dizaine d’organisateurs disposent des affiches en bristol de couleur jaune :
« ABA DIKTATI, NOU PAP OBEYI, SOLISYON DIKTATI SE DECHOUKAY, LAPOLIS= MAKOUT, OEA+COREGROUP=G9 AN FANMI, NOU BOUKE, NOU PAP TOUNEN NAN DIKTATI », peut-on lire à travers les écriteaux.
À peu près 15 minutes avant 10 heures AM, un pick-up muni de trois haut-parleurs est venu pour assurer la sonorisation. Le nouveau Doyen élu de la faculté d’ethnologie, Dr. Ilionor Louis, professeur Josué Mérilien ainsi que d’autres organisateurs prennent la parole pour lancer la marche tout en abordant la situation sociopolitique du pays, la fin du mandat de Jovenel Moïse, la nécessité pour la population de soulever contre la violation des droits de l’homme.
10 heures 30 la marche a démarré en empruntant la rue Oswald Durand en passant devant la faculté de droit et des sciences économiques (FDSE). Arrivée à la ruelle Chavannes devant la Radio Télévision Caraïbes (RTVC), où les manifestants profèrent beaucoup d’injures à l’encontre de deux des trois présentateurs du journal « Premye Okazyon ».« BOB-C kont pèp la, Pierre Renel René volè », laissent-ils entendre.
En montant à l’Avenue Magloire Ambroise, la foule a beaucoup grandi, plusieurs centaines de manifestants marchent pour dénoncer l’attitude dictatoriale du président Jovenel Moïse si on se réfère au motif du mouvement.
Sur le visage des participants, on peut constater la volonté de protester et à travers leurs déclarations, ils expriment une haine à l’égard des dirigeants du pays.
La marche passe à la ruelle Lafleur Ducheine pour rencontrer des étudiants devant la faculté d’INAGHEI, emprunter par la suite l’Avenue Jean Paul II. Une grande ambiance règne dans la marche sur la route de Turgeau. À ce moment, la foule atteint approximativement un millier de manifestants y compris une vingtaine de motards.« la jeunesse Band » met de l’animation et à l’arrière se trouve le véhicule sonore. Des pierres, pneus enflammés sont constatés sur le macadam et des participants chantent en Chœur:
« arete Jovenel, manda Jovenel fini ».
Tout était pacifique jusqu’à ce que des manifestants lancent des pierres sur une succursale de la BNC. Des hommes armés responsables de la sécurité de cette entreprise publique ont fait des tirs, un pick-up de la PNH, immatriculé 1-01032 a fait usage de gaz lacrymogène pour évacuer un groupe de manifestants devant ladite banque commerciale.« Que pensez-vous ? donc nous sommes venus jouer », fustige un jeune trentenaire.
Le central de la compagnie téléphonique Natcom à Martin Luther King est la limite de la marche, laisse comprendre les agents des forces de l’ordre, si on analyse leur comportement. Ces agents du CIMO ont fait un usage excessif de gaz lacrymogène. Cet acte crée beaucoup de panique avec la réaction des participants composés d’étudiants, professeurs d’université, des militants politiques, des dirigeants d’organisations politiques, entre autres, qui courent dans toutes les directions.
12 heures 30 PM: des manifestants tentent d’unifier à l’intersection de l’avenue Martin Luther King et Lalue, d’autres font des manœuvres en aidant l’un l’autre à retrouver la respiration normale. La police nationale n’a pas accompagné la marche mais plus de trois véhicules de police effectuent à chaque instant des guet-apens et font usage du gaz lacrymogène, des tirs à hauteur d’hommes. Frappé par une bonbonne de gaz lacrymogène, le photojournaliste de Associated Press (AP), Dieu-Nalio Chery est sorti blessé.
Le parcours de la marche n’a pas été communiqué lors de l’annonce donc seuls les organisateurs étaient au courant de la destination.
À chaque tentative de rassemblement des manifestants, les policiers les bombardent de gaz lacrymogènes. Les protestataires s’éparpillent et descendent au champ-de-mars en petits groupes.
Le droit de manifester est garanti par la Constitution haïtienne en vigueur. Est-ce que les forces de l’ordre décident d’appliquer le décret qualifié d’inconstitutionnel par les hommes de loi, daté du 26 novembre 2020, portant sur le renforcement de la sécurité publique, interdisant en son article 12 tous mouvements populaires. « Le fait d’embarrasser la voie publique, en y déposant, en y laissant des matériaux ou des choses quelconques dans le but d’empêcher ou de diminuer la liberté ou la sûreté du passage ».
Si c’est vraiment l’intention des policiers, la marche a totalement son bien-fondé de dénoncer la dictature
Evens CARRIÈRE, Journaliste
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